M P : Mais il y a exploitation du bois et exploitation du bois. Quelles conditions doivent être remplies ?
F.-J. Radermacher : D'une manière générale il s'agit de gagner du temps. Il nous faut mettre à profit ce gain de temps à l'échelle politique, surtout pour mettre au point dans le secteur des innovations un nouveau système énergétique qui soit applicable si possible partout dans le monde, un système peu coûteux, écologique et avec un bilan carbone neutre. Gagner du temps grâce à la production d'émissions négatives est un facteur essentiel. Et c'est là que le bois entre en jeu. Manifestement, l'usage du bois comme matière première est une approche plus efficace que l'exploitation du bois pour la production d'énergie parce que le processus de production d'énergie à partir du bois libère à nouveau le CO2 piégé. Globalement, on essaierait donc de faire un usage matériel du bois en prenant, pour la production d'énergie, uniquement les parties des arbres considérées comme rebut, un autre usage matériel à plus long terme n'étant pas possible.
M P : Résumons : que doit-il se passer en termes d'exploitation du bois pour pouvoir aller vers un avenir positif ?
F.-J. Radermacher : Nous avons besoin d'efforts de reboisement au niveau mondial. Le reboisement est toujours profitable, surtout sur des sols dégradés. Il est utile de faire à un moment ou à un autre un usage matériel du bois abattu, et cela est particulièrement utile lorsque cet usage porte sur plus de 50 ou 100 ans, voire plus. C'est-à-dire qu'il faudrait attendre le plus longtemps possible avant que le bois soit utilisé pour produire de l'énergie, ou qu'il pourrisse et libère alors à nouveau le CO2 piégé. Gagner du temps est actuellement décisif.
M P : Les constructions en bois fixent le CO2 extrait de l'atmosphère pendant 30 ans en moyenne,et selon l'emploi. Mais après ? Est-ce qu'on ne fait que reculer pour mieux sauter ? Ou le bois en tant que réservoir apporte-t-il une solution à long terme ?
F.-J. Radermacher : Je ne sais pas d'où vous tenez ces 30 ans. Si nous reboisons massivement, et ce, sur les sols dégradés des Tropiques, nous commencerons par prélever du CO2 de l'atmosphère sur toute la période allant jusqu'à la « récolte » des arbres. Et ce sont 40 à 50 ans. Il faudrait ensuite que la plus grande partie du bois soit dirigée vers un usage matériel. Un tel usage matériel dépasse parfois de très loin une durée de 30 ans seulement, pouvant même aller jusqu'à 100, voire 200 ans. Et même pour un usage matériel de (seulement) 30 ans, avec les 40 ans de croissance des arbres, cela couvrirait une période de 70 ans. Cela ouvre une certaine perspective. Encore une fois : il faut gagner du temps. Le CO2 n'est extrait de l'atmosphère que pendant la phase de croissance des arbres. Cet effet n'est par ailleurs possible qu'une seule fois. Lorsque l'on coupe les arbres il faut en replanter aussitôt de nouveaux pour que l'abattage garde un bilan carbone neutre.